Diffusé en ligne sur le site web du CPC, groupe de réflexion politique ukrainien indépendant animé par Roman Sigov. Les 15 questions de cette interview menée le 7 septembre 2022 abordent des sujets variés:
Questions sur mes racines ukrainiennes et mes liens culturels ou affectifs avec l’Ukraine actuelle.
Questions plus générales sur la littérature: présence de la littérature ukrainienne en France; importance du thème du secret de famille dans la littérature française actuelle.
Enfin,question sur l’origine d’une certaine russophilie française.
1-Ce sont les événements en Ukraine en 2013 et 2014 qui ont été l’impulsion pour écrire « Cinq Zinnias ». De toute évidence, au cours des six derniers mois, lorsque la grande guerre a commencé, votre intérêt pour l’Ukraine n’aurait dû que croître ?
En effet, j’ai commencé à m’intéresser vraiment à l’Ukraine en 2013. Maïdan a réveillé en moi le désir d’en savoir plus sur l’histoire de mon grand-père, officier de Petlioura, qui avait lutté lui aussi, exactement un siècle plus tôt contre le bolchevisme et pour l’indépendance d’un Ukraine démocratique. L’annonce de la guerre m’a atterrée. Pour ne pas céder au découragement et au sentiment d’impuissance, j’ai décidé de multiplier mes rencontres avec le public français pour vendre mes livres au bénéfice de l’association amc.ukr.fr.
Je reçois actuellement dans mon appartement de Lyon Evgenia Kononenko, une grande écrivaine ukrainienne et sa fille, arrivées en France en avril 2022. Il se trouve que cette écrivaine est aussi traductrice (elle a reçu le grand prix de la traduction Skovoroda en 2021). Il se trouve aussi que c’était elle qui, en janvier 2022, m’avait donné son accord pour traduire «Un possible Voyage » !

Oui, mon intérêt pour l’Ukraine n’a fait que croître : mais je veux d’abord parler de mon amitié pour les Ukrainiens qui ont touché mon cœur, principalement mes lecteurs. Dans ma réponse à la question 13, sur l’importance de connaître ses racines, vous trouverez quelques exemples de mes échanges avec mes lecteurs qui témoignent de mon lien avec l’Ukraine :
(Réponse à Liudmyla Kononenko, 9 juin 2022 ; réponse du 4 mars 2022 à Michel Gauvry).
Je signale également ma participation à l’édition de l’Anthologie « Ukraine : poèmes de guerre ». Depuis le 24 février, des centaines d’Ukrainiens de tous âges, de toutes conditions, de toutes régions ont écrit des poèmes de guerre. Ces textes sont aujourd’hui rassemblés dans une « Anthologie » créée à l’initiative de Volodymyr Tymtchouk, poète et Lieutenant-Colonel dans l’Armée ukrainienne.
En cours d’achèvement, l’Anthologie « Ukraine: poèmes de guerre » est proposée en souscription aux éditions de « L’Astrolabe ».
Pour finir, voici le lien d’une vidéo où je tente de cerner comment l’écriture de mes romans ukrainiens m’a permis de découvrir et d’affirmer mon identité ukrainienne.
2. « Cinq Zinnias » a déjà une suite – « Un possible voyage ». De quoi parle ce livre?
D’abord intitulé « Impossible Voyage », en deux mots, ce roman a pour sujet le très lent travail intérieur qui m’a permis de passer d’une peur d’aller en Ukraine au désir de m’y rendre. Il dit l’apprivoisement d’une mémoire familiale douloureuse dont on ne parlait pas chez moi, la construction fantasmée de mon Ukraine intérieure. Il raconte la genèse de « Cinq Zinnias » : l’idée d’aller en Ukraine m’est en effet venue au moment où j’en écrivais les dernières pages. Dans « Un possible Voyage », titre maintenant écrit en trois mots, je décris mon premier contact avec le sol ukrainien et ma rencontre incroyable avec une famille, la mienne, dont j’ignorais l’existence jusqu’au dernier moment ! Deux personnes sont au centre du récit : ma mère, Lydia, et son amie Vera, nées toutes les deux en 1921 au camp de Kalisz en Pologne où leurs pères, officiers de Petlioura étaient internés.
3. Au fait, aimeriez-vous visiter l’Ukraine ? Que souhaitez-vous voir? Où aller?
J’aimerais vivre plusieurs mois à la campagne en Ukraine. Ce doit être un rêve d’enfance… J’ai déjà un peu visité Kyiv, je raconte l’émotion de cette découverte dans la troisième partie du livre. Je ne connais pas Lviv, Odessa. Je réponds plus en détail dans ma réponse à la question 15 concernant mes souhaits.
4. Si le roman est autobiographique, pourquoi la narration n’est-elle pas écrite à votre nom, mais dédiée à votre personnage Natalie ?
Je réponds exactement à cette question dans « Un possible Voyage ». À propos de l’histoire intitulée « Le Médaillon de Maroussia », j’explique à Vera pourquoi j’ai décidé de parler en mon nom :
« C’est avec une certaine inquiétude que j’envoyai, le 20 septembre 2011, ma seconde histoire à Véra. J’avais tenu compte de ses révélations mais je n’avais pu me résoudre à garder les noms de mes grands-parents. Libérée de l’obligation de rester fidèle aux noms réels et aux faits objectifs, j’avais aussi beaucoup inventé, laissant les mots me guider en liberté vers une possible vérité, et cela m’avait procuré un plaisir nouveau. Mais, quelques jours plus tard, relisant mon texte, j’ai à nouveau changé les noms et suis revenue aux noms réels, le mien y compris. J’ai restitué à Maroussia et Zinovij leur identité et leur place dans cette histoire. ».
Je me suis enhardie. J’assume totalement la dimension autobiographique de ce livre. Mais le lecteur aura bien vu tout ce que me doit la Natalie de « Cinq Zinnias » ! Ce récit m’était si intime que j’ai dû recourir à la troisième personne pour créer une distance rassurante entre le lecteur et moi, une distance qui me sécurisait afin d’aller au fond des choses sans me mettre en danger. Aujourd’hui, je peux écrire sur l’Ukraine sans avoir besoin de me protéger.

5. Qu’est-ce qui vous a le plus émue lorsque vous avez écrit votre livre – des motivations personnelles ou de l’empathie pour les Ukrainiens ?
Au départ, c’est une motivation personnelle. Totalement irraisonnée. Une écriture-sauv(et)age. Une question d’identité non reconnue. De dignité familiale à restaurer. De reconnaissance de l’Ukraine en moi. Une lave en fusion cherchant à s’échapper. J’ai cherché à décrire avec le plus de justesse possible mes souvenirs, émotions, sensations, associés à mes grands-parents. Il fallait que je parle d’eux, que je les sauve de l’oubli. Ils sont morts quand j’avais 18 ans. Mais à force de vivre, j’ai le sentiment de mieux les connaître, comme si un dialogue s’était installé entre nous. L’empathie pour les Ukrainiens est d’abord passée par mes grands-parents.
Mais la télévision et autres médias m’ont plongée dans la Révolution de la Dignité. Désormais, parler de Zinovij et Maroussia, c’était parler de tous les Ukrainiens. Depuis, je m’informe quotidiennement sur l’Ukraine, sur la guerre, j’étudie son histoire, j’ai acheté une anthologie la littérature ukrainienne, je parle de l’Ukraine à tous les gens que je rencontre !
6. Que pensez-vous maintenant de l’histoire de l’Ukraine, de son peuple?
L’Ukraine doit à la richesse de ses terres et de son climat, à sa situation géographique stratégique entre orient et occident, d’avoir été alternativement occupée, convoitée, exploitée pendant des siècles par les Empires voisins. Mais le dernier d’entre eux, l’empire russe, se révèle particulièrement cupide et violent. La guerre actuelle n’est qu’une manifestation de plus de la séculaire voracité de l’envahisseur russe. Pour l’état russe, la vie d’un homme n’a aucune valeur. Telle est pour moi la différence entre Russie et Ukraine. Les tyrans russes ont toujours régné sur un peuple asservi par la violence héritée de la Horde d’Or. En Ukraine, une évolution vers la civilisation des Lumières occidentale a permis de renforcer un idéal de régime démocratique, déjà présent chez les Cosaques Zaporogues dont mes ancêtres faisaient partie ! Le dictateur Poutine a terriblement peur d’une contagion démocratique. C’est pourquoi il essaie d’exterminer le peuple ukrainien.
Le peuple ukrainien ?quel courage, quelle Dignité ! Quelle Humanité ! Je suis plein d’amour et de respect pour ses traditions, pour son sens de la famille, pour l’intelligence de ses enfants. Ah ! Ils sont les rois des drones ! J’aime le bortch, les motankas, les vichivankas, les rouchniks sous les icones, et cette langue si mélodieuse, chantante et douce, si belle et si chatoyante ! C’est la voix de ma grand-mère me chantant une vieille berceuse ukrainienne ! J’aime et j’admire aujourd’hui l’engagement et le courage immense de tout le peuple ukrainien qui défend sa terre et son idéal démocratique. Et le courage de toutes ces familles réfugiées à l’étranger tandis que leurs hommes risquent leur vie face à l’ennemi. Gloire à sa valeureuse armée. Gloire aux nombreuses femmes qui combattent vaillamment comme soldats, officiers, médecins, infirmières etc. Mon cœur souffre à l’annonce quotidienne du nombre de soldats morts. Mais j’ai senti grandir en moi le véritable sens de l’expression « les héros ne meurent jamais ». L’essence de leur engagement, le sacrifice de leur vie rendent pour toujours invulnérable l’idéal qu’ils ont défendu. C’est pourquoi je crois en la Victoire de l’Ukraine.
7. Et dans quelle mesure le sujet de l’Ukraine est inclus ou non dans le champ littéraire de la France?
Traditionnellement, c’est le livre « Maroussia » de Marko Vovtchok qui est plébiscité par les Français. Mais beaucoup de confusions subsistent sur les noms d’écrivains ukrainiens faussement identifiés « russes » comme Gogol. Peu de Français savent que la Russie a volé une patrie du capital culturel ukrainien.
Depuis la guerre, quantité de documents d’essais, d’articles sont parus et paraissent tous les jours sur l’Ukraine. Les Français commencent à ne plus confondre Russie et Ukraine ! J’ai déjà écrit un article sur la présence du champ littéraire ukrainien en France. En voici le lien sur Facebook. (Cet article est traduit en ukrainien dans la revue de l’Université Taras Chevtchenko « Style et traduction »).

8. Si vous connaissez d’autres familles d’émigrés d’origine ukrainienne, sont-elles intéressées par le sujet de leur patrie ?
Bien sûr ! Je vous renvoie au site Ukraine-Mémoire qui s’intéresse à la vie des émigrés ukrainiens: émigration politique des années 20, émigration de la guerre des années 40, émigration de la misère des années 50… Une multitude de documents religieusement conservés par leurs descendants français illustrent le courage de ces Ukrainiens ayant fui le bolchevisme, le nazisme, les transferts de territoires, et ces terres de sang dont parle Timothy Snyder.
« Déchirée par les soubresauts d’une histoire méconnue, l’Ukraine a essaimé ses enfants jusqu’en France. Le site Ukraine-Mémoire est dédié à la mémoire de ces déracinés arrivés, munis pour la plupart, d’un passeport polonais, russe, roumain, tchèque ou soviétique. Ce site a pour vocation de raconter cette histoire, leur histoire. »
Après 1991, C’est plutôt une émigration économique qui arrive en France. Aujourd’hui, je connais des jeunes familles ukrainiennes. Mais il ne s’agit plus d’émigrés. Plutôt des diplômés internationaux. Ils rentrent en Ukraine régulièrement pour voir leurs proches. Mais la guerre a bouleversé tout cela, les jeunes hommes ukrainiens travaillant en France depuis plusieurs années hésitent peut-être à revenir en Ukraine…
De nombreuses associations franco-ukrainiennes rassemblent ces Ukrainiens et s’activent pour faire connaître l’Ukraine aux Français. (Voir mon article « Quelques associations ukrainiennes en France » dans la revue « Style et traduction »).
9. Votre cercle de communication comprend déjà que l’Ukraine et la Russie sont deux États différents?
Bien sûr ! Les gens que je fréquente ne font pas cette confusion (une confusion que j’ai rencontrée chez des gens peu instruits ou qui ne s’informent pas). Mais même ceux-là ont écouté mes explications en cherchant à en savoir plus ! Il faut dire que pendant tout le XXème siècle, même les médias utilisaient le mot Russie pour parler de l’URSS ! C’était une habitude ancrée dans les esprits, dans la langue, car avant la guerre de 14-18, la Russie avait un prestige certain dans la société française ! Les plus éduqués savaient que l’Ukraine existait, que c’était une « province », le « grenier à blé » de la Russie. Mais presque personne ne connaissait la véritable histoire de l’Ukraine et son éphémère indépendance de 1918-1921.
Aujourd’hui, avec la guerre, malheureusement, même si certains pensent encore que la langue ukrainienne est la même que la langue russe ( ! ), plus personne n’ignore que l’Ukraine est un état indépendant (sauf les poutinistes…)
10. Au fait, quelle est la raison de la russophilie, qui semble avoir été caractéristique pour la France? Est-elle caractéristique maintenant?
Tout le monde a appris à l’école que l’on parlait français à la cour de Catherine II, souveraine éprise de Lumières qui avait racheté la bibliothèque de Diderot : mais on ignore l’expansionnisme belliqueux de cette autocrate en jupon, on ignore qu’elle a instauré le servage en Ukraine. De nombreux récits de voyageurs fortunés en Russie donnent de ce pays une image exotique, voire fascinante.
La littérature russe connaît en France à la fin du XIXème siècle une vogue extraordinaire dont l’âme slave est le centre de gravité. (cf. la revue russe. 6. 1994, La Russie et la France).
En 1896, la première pierre du pont Alexandre III est posée par Nicolas II et l’Impératrice, à Paris. Ce pont symbolisant l’amitié franco-russe sera inauguré en 1900 pour l’Exposition Universelle. En 1891, une Alliance politique est conclue entre Alexandre III et Sadi Carnot. La modernisation de la Russie nécessitant le concours des industriels occidentaux, des emprunts russes sont lancés avec succès en France de 1888 à 1914… Tout cela crée une image positive de la Russie et entoure ce pays lointain d’une aura mythologique qui a perduré jusqu’à nous.
« La Russie a été mythologisée par l’Occident. On connaît la culture russe du XIXème siécle, on la romantise sans comprendre la banalité du mal qui subsiste depuis la terreur soviétique » écrit Constantin Sigov.
Ce malentendu explique la complaisance coupable des Français pour l’URSS, en particulier, la sujétion inconditionnelle des communistes français au totalitarisme stalinien qui marque les pires heures du régime soviétique. Des générations d’intellectuels et d’artistes aveuglés par l’idéologie marxiste-léniniste et la propagande soviétique glorifient le Petit Père des Peuples ! Ils n’ouvriront les yeux qu’en 1991. Et encore, pas tous ! De Staline à Poutine, il suffit de passer d’un fanatisme à un autre ! On rencontre ce type d’individus chez certains anciens syndicalistes de la CGT.
Les communistes ont encore d’autres arguments pour soutenir Poutine. On sait que de nombreux communistes ont lutté contre les nazis dans les rangs de la Résistance. A ce titre, ils s’estiment inattaquables. Ils sont aussi farouchement anti-américains. Ils considèrent que le plan Marchal fut un manœuvre des Etats-Unis pour coloniser l’Europe et lui soutirer ses richesses. Ils affirment que les Etats-Unis se servent de l’Ukraine pour affaiblir la Russie et que Poutine a raison de se défendre (sic). Aux crimes perpétrés par l’armée russe en Ukraine, ils opposent la guerre américaine en Irak, ils accusent l’OTAN d’être intervenu au Kosovo sans mandat de Nations-Unies…

Mais le parti communistes est en grand déclin actuellement, au profit des partis extrémistes comme le Rassemblement National de Marine le Pen (RN), et la France-Insoumise de Jean-Luc Mélenchon (FI).
Ces deux partis ont en commun une même fascination de l’ « homme fort », l’homme providentiel qui va apporter toutes les solutions, ils ont un même goût pour un pouvoir autoritaire, seul capable de mettre de l’ordre dans la « pagaille des régimes démocraties », ils ont le même anti-américanisme primaire. Enfin, ils ont en commun le caractère démagogique de leurs discours.
En cela ils rejoignent les idées de Poutine qui condamne la faiblesse des gouvernements occidentaux, la décadence des mœurs, la perte des valeurs familiales et religieuses en occident. FN et FI se sont faits les défenseurs des pauvres, des classes laborieuses autrefois fief du communisme. Et c’est le même discours populiste : il faut prendre l’argent des riches, la finance internationale est responsable de votre pauvreté. L’occident est décadent. En ce qui concerne l’Ukraine, ils n’hésitent pas à dire qu’il y a beaucoup de nazis en Ukraine : Enfin, bien représentés à la chambre des députés depuis l’élection présidentielle de juin 2022, RN et FI font de l’obstruction systématique aux propositions du gouvernement.
Le RN de Marine le Pen approuve ouvertement l’homme de l’ordre qu’est Poutine. Elle lui doit beaucoup (des banques russes ont financé sa campagne électorale). Depuis le 24 février, elle dit « condamner l’agression russe » mais sa complaisance pour Poutine est sans limites ! Le 2 août 2022, lors d’une conférence de presse, devant l’Assemble Nationale, elle a fustigé les sanctions contre la Russie de Poutine dont elle déplore des « conséquences cataclysmiques » sur le pourvoir d’achat des Français ! Elle nie le caractère génocidaire des crimes de guerre russes en Ukraine.
De son côté, La FI est hostile à la livraison d’armements à l’Ukraine sous prétexte qu’il ne faut pas encourager la guerre ! On est pacifiste, à la FI ! On est contre l’adhésion de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN ! Mais Mélenchon a félicité Poutine pour ses bombardements sur Alep !
Même si le tribunal de l’Union Européenne a confirmé l’interdiction de Russia Today et de Spoutnik, le 28 juillet 2022, une intense propagande russe véhiculée par les réseaux sociaux via des trolls et autres comptes artificiels, encourage les positions fascisantes du RN et de la FI. Mais d’autres manifestations du soft-power russe fleurissent chaque jour. Ce sont des conférences, des expositions, des concerts.., ainsi, cette chorale soi-disant chorale russo-ukrainienne, « Voix de Russie et d’Ukraine » qui a circulé tout l’été en France…après enquête, on découvre qu’il n’y aucun artiste ukrainien dans cette chorale qui chante « pour la Paix » !
On le voit donc, la russophilie française a changé de caractère. Les partis extrémistes ont embrigadé une population désorientée qui se sent menacée par les difficultés économiques liées à l’inflation et à l’augmentation du prix du gaz et de l’électricité.
Le RI et la FI sont la cinquième colonne de Poutine en France.
11. Quelle est la typicité du thème des secrets de famille pour la littérature française moderne?
Le « secret de famille » trouve aujourd’hui un regain d’intérêt auprès du grand public français. Plusieurs thématiques propres à notre époque inspirent les écrivains :
a) le secret lié à la Grande Histoire : guerre de 14-18, Révolution bolchévique, guerre de 39-45
*Dans « la Marque du Père » (2007), Michel SEONNET révèle comment il découvrit à l’aisselle de son père une marque bleue tatouée, celle du groupe sanguin que portaient obligatoirement les SS de la division Charlemagne.
*Dans « Un Secret » (2004), Philippe GRIMBERG découvre une déportation à Auschwitz associée à un secret sur les origines du couple de ses parents. Il montre comment cette histoire cachée a déterminé son choix de devenir psychanalyste.
*Dans mon livre « Cinq Zinnias pour mon inconnu » (KYIV, Duh I Litera, 2021), mon héroïne, Natalie, illustre pourquoi ses grands-parents ukrainiens exilés en France en 1923, ne lui ont jamais parlé de leur Ukraine natale, et ce qui en est résulté pour sa relation à l’Ukraine.

*Dans mon livre « Silences en forêt » (2020. Pas encore traduit en ukrainien), mon héroïne, Isabelle, explique comment les enfants devinent intuitivement ce que les adultes leur cachent sous prétexte de leur épargner des souffrances. Elle enquête, et elle découvre une vérité, qu’elle pressentait depuis toujours, sur les origines de son père, né en 1915 d’un géniteur trop longtemps resté inconnu…
Ces événements vécus liés à la collaboration, aux tragédies de la guerre, restent longtemps des tabous. La société préfère maintenir le tabou le plus longtemps possible. Mais faut-il attendre 70 ans pour que justice soit faite ? (Je pense aux crimes du stalinisme et de Poutine).
Le secret de famille « historique » ne devient « littéraire » qu’à partir du moment où la vérité est faite sur la réalité des faits, où les documents sensibles sont déclassifiés, où les coupables sont jugés. Ainsi, des écrivains ont parlé des secrets de famille liés à la collaboration à partir des grands procès pour crime contre l’humanité : Klaus Barbie jugé en 1987. Paul Touvier jugé en 1994. Maurice Papon en 1997.
Une liste des collaborateurs français est sortie au moment du procès Papon. Or, on s’est aperçu que parmi les accusateurs de Papon, responsable de la déportation de plus de 1600 Juifs, il y avait des collaborateurs ! On a donc mis cette liste officielle en veilleuse jusqu’en 2015 ! Elle compte plus de 100000 noms. 95000 collaborateurs ont été jugés et condamnés à des peines de prison plus ou moins lourdes. Mais il faut multiplier par trois ce nombre pour rendre compte de la réalité de la collaboration dans mon pays.
Les non-dits familiaux liés à l’Histoire sont traités par les enfants ou les petits-enfants de protagonistes qui, parfois, sont resté silencieux toute leur vie. Reconnaître, révéler un secret de famille cela prend du temps, souvent deux ou trois générations !
b) Le secret lié à un acte ou un vécu honteux (folie, inceste, pédophilie)
Depuis une quarantaine d’années est apparu un nouveau genre littéraire, « L’écriture de soi », genre hybride mêlant les caractères des discours bien codifiés que sont le roman, l’autobiographie et l’autofiction. « L’écriture de soi » mêle de façon variable le degré d’authenticité et de fictionalisation.
* Dans « Rien ne s’oppose à la Nuit » (2011), Delphine de VIGAN raconte comment survivre à la folie cachée d’une mère.
* Dans « L’Inceste »(1999) et dans « Une Semaine de vacances »(2012), Christine ANGOT a élevé au rang de vérité littéraire le fait que la société protégeait l’inceste tout en l’interdisant.
*Dans « Le Consentement » (2020), Vanessa SPRINGORA raconte comment, alors âgée de 14 ans, elle a été abusée sexuellement par l’écrivain Gabriel Matzneff âgé de 50 ans.
* Dans « La Familia grande » (2022), Camille KOUCHNER révèle trente ans après les faits, l’inceste commis par son beau-père sur la personne de son frère jumeau. Un livre écrit pour témoigner, dénoncer, protéger.
On l’aura compris, l’écriture du secret de famille, qu’il relève de la mémoire collective ou de la mémoire intime, est une entreprise malaisée, douloureuse mais vitale pour son auteur qui y recherche et y trouve cependant, la libération indispensable pour restaurer son identité.
Aujourd’hui, de nombreux récits traitent de l’inceste ou de la pédophilie. Ils sont portés sur la ligne de MeToo, mouvement social contrer les abus sexuels, né dans les années 2010, et qui a inauguré une libération de la parole des femmes. En France, le site « BalanceTonPorc » lancé en 2017 permet de poster un témoignage de manière anonyme.
12. Que ressent une personne lorsqu’un secret de famille est soudainement révélé?
« Soudainement » ? Pas toujours. La révélation d’un secret peut prendre parfois beaucoup de temps : on « tourne autour » … Ici je ne pourrai parler que de ma propre expérience. J’ai décrit ces sentiments dans mes livres dont voici quelques extraits significatifs.
Dans « Cinq Zinnias », ce sont mes recherches dans des documents et aux archives de Vinnytsia qui m’ont progressivement révélé les horreurs de la révolution bolchevique et du régime soviétique. Mais j’étais adulte. J’ai ainsi pu mettre des faits et poser des images sur les non-dits de ma famille. Mais comme beaucoup d’enfants, je « savais ». J’ai toujours pressenti quelque chose de tragique dans la vie de mes grands-parents dans les tristesses de ma grand-mère et la douleur cachée de ma mère. Mais je ne connaissais pas ce que je cherchais:
« …j’étais une enfant inhibée. La question de mes origines obscurcissait mes horizons. Je me revois, fouillant les fonds de tiroirs à l’affut de vestiges, de vieilles cartes postales, photos jaunies, enveloppes aux timbres-poste marqués d’un trident ou du visage moustachu d’un vieil homme portant toque de fourrure… » (« Cinq Zinnias »)
Que ressent-on quand on commence à découvrir un secret de famille ? Si, du côté maternel il y avait au moins l’Ukraine et des grands-parents bien vivants, côté paternel il n’y avait rien. Pas de grands-parents. Pas de photos. Et surtout, pas de parole. Un père venu de nulle part. Si je pense à l’histoire de mon père que je raconte dans « Silences en forêt », il y a d’abord un réflexe de colère : pourquoi ne m’a-t-on pas parlé ? Pourquoi m’avoir menti ? Ce réflexe est infantile mais légitime. C’est le signe d’une identité blessée car privée de vérité. Puis, en vieillissant, on se rend compte des difficultés vécues par ses parents et on mesure l’immensité de leur amour et de leur courage ! Et cela vient au fur et à mesure que le secret se révèle. J‘ai enquêté pendant 10 ans avec ma sœur pour connaître ce grand-père paternel inconnu. Le moment le plus bouleversant, fut le jour ou une personne qui l’avait connu m’a téléphoné et m’a fait son portrait :
« Grand et droit dans sa veste noire, il traversait la place de la Mairie pour se rendre à son cabinet. Parfois un chapeau, parfois un béret sur la tête, sa moustache blanche brillant au soleil. Mais il portait toujours un parapluie noir au bras » […]
Portrait de mon grand-père fait par un témoin. C’est la première preuve objective de son existence que je reçoive.
J’ai cinquante-neuf ans. Mon père vient de mourir.
Pour la première fois de mon existence, quelqu’un qui l’a connu donne vie au père de mon père »
Enfin, le fait d’avoir pu écrire sur mes secrets de famille a transformé pour moi le traumatisme en richesse. « Une simple photo des parents de mon père, quelques témoignages les concernant ont suffi pour libérer en moi une énergie que je ne connaissais pas » dit Isabelle dans « Silences en forêt ». Savoir libère ! D’une part, en écrivant, en imaginant, je me suis autorisée à me construire une passé dont j’avais été privée, à faire revivre très légitimement des gens que je n’avais pas connus. Et j’ai aujourd’hui l’impression d’avoir contribué à leur existence ! Je suis l’arrière-arrière-petite-fille de Jean-Victor le forgeron et de Marie-Justine Arnaudin, mariés en 1836…et je les vois comme si je les avais connus ! D’autre part, les messages fraternels de mes lecteurs constituent pour moi une inattendue source de joie ! Ces livres écrits dans la solitude et la douleur des souvenirs tristes, sont devenus des liens ! Nombre de mes lecteurs se sont reconnus dans mon histoire, leur famille a vécu les mêmes évènements etc.
13. Est-il possible d’impliquer les jeunes générations dans la recherche de leurs racines? Sont-ils intéressés ?
Parlez-vous des jeunes Français ou des jeunes Ukrainiens ? Je parlerai des deux.
Bien sûr, il est essentiel que les jeunes connaissent leurs origines. On ne construit rien de vrai sur une absence de passé. Encore moins sur sa négation et sa falsification idéologique comme ce fut le cas en URSS et aujourd’hui en Russie. Mes lecteurs ukrainiens d’un certain âge (ceux qui ont été à l’école soviétique), me disent avoir découvert dans mes livres certains aspects de l’histoire de leur pays !

Quelle différence entre Histoire et Roman national ? Le véritable historien doit être honnête : il n’accepte pas la falsification des faits. D’un autre côté, pour qu’une société se pérennise, il est nécessaire qu’un Roman national fédère ses membres autour de valeurs communes (même s’il est empreint de légendes ou d’idéalisations folkloriques). Si ces valeurs sont fondées sur le respect des droits humains, l’enfant trouvera dans ses racines une force pour grandir. Mais si l’enfant découvre que ses deux grands-pères ont été des agents criminels du KGB lors des massacres de Vinnytsia en 1938 (c’est le cas de l’une de mes lectrices qui a trouvé dans « Cinq Zinnias » la confirmation de ses soupçons…), il lui faudra beaucoup de courage pour accepter cette vérité, à condition que son pays lui permette d’accéder aux archives de cette période tragique. En France, on s’étonne de ce que les Russes n’arrêtent pas de parler de la seconde guerre mondiale et ont tout oublié des millions de disparus des terreurs staliniennes ! Oui, les jeunes (et moins jeunes), ont besoin de connaître leur racines ! En privant les Russes de leur véritable mémoire, l’interdiction de « Mémorial » en Russie est une véritable perversion de la pensée, une « catastrophe » plus grave que la chute de l’URSS.
En 2021, la France a délivré 733070 visas d’immigration. À l’École de la République (et je m’honore d’y avoir enseigné pendant 36 ans la langue et la littérature françaises), on applique le principe suivant : un enfant n’apprendra bien le Français que s’il connaît et aime sa langue maternelle et sa culture familiale.
Un autre thème essentiel à la bonne santé d’une mémoire nationale est la reconnaissance par un État de ses erreurs (voir question 11 : le procès des collaborateurs de Vichy).
Aujourd’hui, en dépit de violentes polémiques, la France commence à reconnaître sa responsabilité dans les excès de la colonisation, en Algérie par exemple.
L’Ukraine, avec ses lois mémorielles et l’ouverture des archives soviétiques est aussi sur le chemin de cette dépollution. Mais même 31 ans après la chute de l’URSS, il reste encore bien des esprits à désoviétiser (j’en veux pour preuve l’existence actuelle de citoyens ukrainiens collaborant avec l’ennemi).
Pour illustrer cette question des origines, voici plusieurs témoignages de lecteurs ukrainiens et français.
a) Témoignage d’Andreï KOURKOV, 21 janvier 2021
Dans sa préface à l’édition ukrainienne de « Cinq Zinnias », Andreï, KOURKOV s’adresse ainsi aux lecteurs ukrainiens :
« Ce livre doit être lu jusqu’au bout. Cela évoquera sûrement en vous de nombreuses pensées et sentiments et, peut-être, cela vous engagera à faire la même chose que celle qui préoccupe le personnage principal – rechercher des détails inconnus sur le sort de ses ancêtres, pas si lointains. »
b) Témoignage de Cristelle SENYK , 27 octobre 2019
« Ce qu’a vécu ma belle-mère. À 4 ans, elle se rappelle qu’elle avait tellement soif dans ce wagon que sa langue était restée collée contre un glaçon à la fenêtre. Elle est rentrée de Sibérie à 12 ans. Un petit frère et une petite sœur étaient nés là-bas dans les villages sans noms, qui se déplaçaient au fur et à mesure du travail. Comment imaginer ce qu’ils ont souffert, comment comprendre que dans la nouvelle génération de ce beau pays, l’Ukraine, des jeunes puissent être attirés par la politique menée par Poutine ! Les non-dits dans les familles ont un impact désastreux, car cela permet à l’adversaire de recommencer. 😔La famille pense protéger la génération future en taisant les abominations. Seule la vérité permet de maintenir la Paix. »
c) Témoignages d’Oksana KRAMAR, 16 juin 2021 et 15 avril 2022
За вікном щебечуть пташки, доноситься ледве вловимий п’янкий аромат троянд і жасмину, літній теплий день добігає кінця. І не тільки день…
Сьогодні перегорнула останню сторінку книги Marie-France Clerc « П’ять майорців для мого незнайомця », яку читала вголос собі і дітям, як тільки збиралися до купи.
Мар’янка просила почитати, бо якраз недавно здала ЗНО з історії України і правдива історія Marie-France Clerc розмальовувала кольоровими фарбами все те, що Мар’янка читала в цифрах і фактах в підручниках.
Ромчик уважно слухав.
Пані Marie-France Clerc, моїм дітям вже 17 і 13 років. Останній раз я їм читала вголос книжку дуже давно, здається якусь з казок Всеволода Нестайка. Вони вже давно читають самі те, що бажають. Це часто не співпадає з тим, що читаю я. Але ця книга особлива, бо вона про нас, українців, об’єднаних спільними спогадами, спільними звичаями, традиціями, які передаются з покоління в покоління в Україні, Франції та в інших країнах.
Для нашої сім’ї ця тема цікава всім.
Моя бабуся вишивала хрестиком, мама Тамара Круп , я, моя сестра і моя донечка теж кладе хрестик на канві. У нас збереглася традиція посидіти перед далекою дорогою. Тато Vladimir Krup знає безліч українських пісень, які при будь – якій нагоді з задоволенням співає. Я благословляю діток, перехрестивши кожний ранок, бажаючи їм гарного дня, як це робила моя бабуся.
Все це Ви згадуєте у своїй книзі, що зворушує до сліз.
Французька письменниця з українським корінням, яка народилася і виросла у Франції, пише про українців так, ніби все життя прожила в Україні…
Дякую Вам за спогади, за пам’ять про трагічну історію нашого народу, за любов до української мови, до пісні, до вишивки, до неосяжних просторів і прекрасних людей, вільних і незалежних потомків козацького роду.
Нас багато по всьому світу і так важливо не втратити нам свою ідентичність і неповторність, чи то через вишивку, чи українську пісню, чи українські чорнобривці на балконі Василь В’єнцко у Варшаві…
Нас багато, справжніх українців, які люблять свою країну і пишаються тим, що вони Українці.
15 avril 2022
« Chère Marie-France, merci pour tout ce que vous faites. Je suis avec ma famille en Ukraine et je ne veux pas la quitter. Votre soutien nous réchauffe le cœur. En ces jours difficiles, les Ukrainiens et le monde civilisé tout entier se sont unis comme jamais auparavant. Nous allons certainement gagner! Merci! »
d) Témoignage de Valentyna BOYKO, 5 juin 2022
« Найкращі вітання з України, зокрема з Вінниці! Придбала Вашу книгу « П’ять майорців для мого незнайомця ». Ваша книга по особливому читається в Україні сьогодні, пройшло 100 років , а історія повторюється. Кажуть наші письменники війна – це двійка за невивчену історію!!! Дякую за неймовірну книгу. Вона для моїх знайомих сьогодні є найкращим подарунком. З повагою родина Бойко. »
e) Témoignage de Liudmyla KONONENKO de Kyiv
Elle a reçu en janvier 2022 la version française de 5Z que je lui avais offerte pour son club de lecture. Elle a acheté en février la version ukrainienne. Voici nos échanges du 9 juin 2022 sur Messenger. (Liudmyla s’exprime en français).
* 22 février 2022. Chère Marie-France, enfin, hier, j’ai reçu la version ukrainienne de votre livre, que j’attendais depuis plus d’un mois d’un vendeur local. Je l’ai commandé dès que j’ai reçu votre cadeau, et il faut généralement deux ou trois jours pour recevoir la commande […] Je suis sûre que je pourrai recommander vos livres à mes amis et aux membres de notre club de lecture. Je vous ferai savoir si le livre est sélectionné pour discussion. Merci pour l’ouverture de l’Ukraine à vos compatriotes, et pour la vie des Ukrainiens de France pour nous. Restons en contact! Amicalement, Liudmyla
* 9 juin 2022. Chère Marie-France, je pense beaucoup à vous ces jours-ci. Je lis le « Cinq Zinnias.. » et chaque jour ce livre me fait beaucoup réfléchir. Je suis heureux que parmi les quelques choses que mes enfants et moi avons réussi à emporter avec nous lorsque nous avons quitté l’Ukraine le 25 février, j’ai pris les « Cinq Zinnias », les deux livres en français et en ukrainien. Pendant le premier mois et demi, je n’ai rien lu d’autre que les nouvelles. Ensuite, notre club de lecture a été rétabli et, lentement, je suis revenu à cette chose préférée.
* Chère Liudmyla, je suis très touchée par votre message. Ce que vous dites me fait sentir la profondeur de mes racines ukrainiennes. Je ne cesse de penser aux souffrances du peuple ukrainien aujourd’hui. Je n’ai pas vécu le drame et l’exil vécus par mes grands-parents dans les années 1920… je n’étais pas née! Mais je les ai ressentis par empathie dans l’écriture: dans « Cinq Zinnias » j’ai mis mes pieds sur le chemin qu’ils ont suivi, pour tenter de revivre leur tristesse et leur courage… Mais je n’étais pas née pour le partager en direct avec eux! Vous vous le vivez ! J’ai voulu transmettre leur histoire pour faire ressentir ces souffrances à mes lecteurs…
Mais voilà que cette guerre me fait participer en direct aux épouvantables souffrances de mes frères et sœurs lointains, mes contemporains, et ces crimes donnent en même temps une nouvelle actualité au calvaire de mes grands-parents. Double guerre, pour moi!
Vraiment, vous avez emporté mes livres en exil! Cela me bouleverse. Merci.
Ou êtes-vous maintenant? J’espère que vous et votre famille, vous allez bien!
Amitiés. MF
* Chère Marie-France, je lis très lentement car je continue à apprendre le français. La traduction ukrainienne m’aide beaucoup. Aussi, je m’arrête pour en savoir plus sur l’histoire de l’Ukraine. Lorsqu’il s’agit de la vie des gens, on ne veut pas seulement lire l’histoire, on veut la comprendre. Je pense que je recommanderai ce livre à mes enfants. Comme Natalie le raconte à ses petits-enfants, le livre sera compréhensible pour mes adolescents. Je pense même qu’il serait bon d’inclure de tels livres dans les programmes scolaires. En plus, nous sommes réfugiés en Pologne, alors j’imagine ce que c’était pour Maroussia et Zinovij pendant les années en Pologne, bien que notre séjour ici soit complètement différent, plus facile évidemment. Vous avez écrit le désespoir que Zinovii sentait.. la défaite …son espoir… ces sentiments sont très vivants aujourd’hui. Nous prions pour le destin de l’Ukraine et je veux vraiment croire que ces temps sombres finiront un jour. »
* Chère Lydmyla, je partage tout ce que vous dites. Je vous remercie de si bien comprendre mon histoire. Moi aussi, j’espère de tout cœur que ces jours sombres finiront bien vite. Bravo pour votre courage à apprendre le français. Je vous envoie mes meilleurs souhaits pour que tout se passe bien pour vous et votre famille
* Chère MF, ce livre est très intéressant et très nécessaire. Quand j’ai lu les vraies lettres de la mère de Maroussia et de son frère Ivan, j’ai eu l’impression de lire le destin de quelqu’un, pas seulement un livre d’art. Merci beaucoup pour votre soutien à l’Ukraine. Je serai heureux de recommander le “Cinq Zinnias” à mes amis, et j’espère rentrer bientôt chez moi et pouvoir lire le “Un-possible voyage” également.
* Chère Ludmyla, oui, vous avez lu le destin de Maroussia et Zinovij. J’espère que vous rentrerez bien vite chez vous. Maintenant, je dois aller me coucher. Bonne nuit! 😴💤😘🌙
* Bonne nuit Marie-France!💛💙
f) Retour d’Iryna MICHEL. (Extraits d’une longue et magnifique lettre de 12 pages).
28 août 2020
« J’ai terminé vos livres. Profondément émue, agitée par mes propres souvenirs et réflexions, j’aurais du mal à ne pas les partager avec vous. Ces livres sont absolument indispensables en France. Il faut que les Français puissent découvrir l’Ukraine grâce à votre histoire. Je félicite votre démarche, votre courage et cet énorme travail pleinement accompli ».
« Andreï Kourkov dit qu’on peut parler russe sans se sentir russe pour autant. « J’ai commencé à me sentir Ukrainien seulement au moment de l’Indépendance » dit-il. Eh bien moi, j’étais en retard. C’est début 2014 que cela m’est arrivé. J’ai commencé à préciser que j’étais une Ukrainienne et pas une Russe quand la question se posait. »
« Quant à moi, je suis enfin réveillée. Mon père m’avait dit, il y a des années : « Les communistes ont tout volé !». Moi, déjà partie en France en 1997, je ne le pensais pas. Je ne pensais ni au passé, ni au présent. En 2004, quand je suis repartie en France après deux semaines passées en Ukraine, maman m’a dit : « La situation est grave. Il y a de l’armée autour de Kyiv, j’espère que tu passeras sans problème à l’aéroport. ». On était à la veille de la Révolution Orange. Mais, comme le dit à Natalie son père : « Ta mère ne s’intéressait pas au passé. D’ailleurs on avait autre chose à faire ! ». C’était pareil pour moi. Comme pour les autres, jetés dans la débrouille d’une nouvelle vie après l’effondrement de l’URSS.
« Ah ! Nous, « gentils écoliers soviétiques », savions-nous nous poser les questions ? En 1982, l’Ukraine soviétique a fêté 1500 ans de Kiev. Et puis Moscou fête ses 800 ans et quelques. « Comment cela se fait-il que la Russie soit le grand frère si Kiev est beaucoup plus vieux ? », je me demandais… Et ça s’arrêtait là. C’est honteux ! Pauvre Homo sovieticus…
Heureusement, il y avait des gens qui sortaient sur le Maïdan. Il fallait que le sang coule sur les pavés du Krechtchatyk en 2014 pour que je sorte la tête de ma carapace soviétique ! Ce troisième Maïdan a été le mien aussi… »
« Bien sûr que Lessia Oukraïnka et Tarass Chevtchenko qu’on étudiait si peu à l’école, ont laissé leurs traces dans mon cœur soviétique. Je les ai revus après le Maïdan ; c’est un autre regard. Je comprends donc cette vulnérabilité de Natalie : « si quelqu’un prononçait le nom d’Ukraine, tout le monde pleurait »
« En fait, je crois qu’il y a un seul moyen de devenir Ukrainien (maintenant politique plutôt qu’ethnique) c’est de commencer par lire l’histoire de l’Ukraine. Dès le premier livre, en ukrainien, tu t’arraches de ta carapace soviétique. Si les mensonges, appris à l’école, ne te révoltent pas alors tu peux rester « soviet ». Après, tu parles à tes parents de tes grands-parents déjà décédés. « Une chose est de voir le malheur du monde à la télévision, une autre est de le ressentir dans son propre cœur à travers l’histoire de sa propre famille ».
g) Témoignage de Michel Gauvry, un Français rencontré lors d’un voyage au Pérou en 2018. Il a acheté mes livres. Dans l’appel qui suit, ils les fait connaître auprès de ses amis
4 mars 2022.
Chers amis
Nous nous autorisons, en ces circonstances dramatiques à l’est de l’Europe, à vous adresser les échanges entretenus avec Marie-France, y compris ce dernier jour. Vous vous souvenez : au Pérou, nous étions si proches de l’Ukraine !
Si vous n’avez pas encore lu les livres de Marie-France, demandez-les-lui ! Ils valent bien des Goncourt ! En particulier « Cinq zinnias pour mon inconnu » et « Un possible voyage ». Ils ont un tragique goût d’actualité !
Bien à vous.
Monique et Michel Gauvry
Le 3 mars 2022 à 22:48
Chère Marie-France
Tu peux aisément imaginer que l’actualité nous conduit à tes Zinnias ! Sûrement le drame de la guerre bouleverse des personnes qui te sont chères… Nous sommes consternés par cette agression injuste d’un homme que le pouvoir a corrompu et rendu paranoïaque. Le courage des dirigeants ukrainiens nous émerveille, même si nous pouvons craindre d’énormes pertes humaines et matérielles. C’est une situation qui va réveiller les consciences sur le fait qu’un monde de paix n’est jamais acquis et qu’il revient à chacun d’y prendre part.
Quelles nouvelles as-tu de ton réseau ?
Nous t’embrassons.
Monique et Michel Gauvry
Vendredi 4 mars 2022
Chers Michel et Monique,
Merci pour votre chaleureux message. Je suis en deuil. La folie meurtrière de Poutine menace le monde entier, mais tue déjà maintenant des milliers d’Ukrainiens. Le temps des illusions est révolu. Que faire?
Aider. Accueillir. Informer. Le site Aide Médicale Caritative France-Ukraine reçoit des dons
Ai-je des nouvelles d’Ukraine? Comme vous, les terribles vues des destructions transmises par nos médias. La menace abominable qui se précise sur KYÏV…et les diaboliques rodomontades du parano moscovite… Ma famille? Outre qu’elle est très pauvre (rappelez-vous le « journal de Slavik » dans « Un possible Voyage »), ils n’ont pas internet, ils n’ont plus de téléphone … et n’ont jamais pu répondre à mes courriers. Mais là où ils habitent, dans le centre, la région agricole de Vinnytsia est encore épargnée.
Oui, j’ai beaucoup d’amis ukrainiens, universitaires, bibliothécaires, entrepreneurs. Et beaucoup de lecteurs qui ont aimé 5Z en ukrainien.
Certains ont déjà fui KYÏV pour la campagne, à l’ouest, ou même pour la Pologne…
Je suis aussi en relation avec un historien russe de Krasnodar qui s’inquiète du renforcement de la censure, et du régime de terreur qui s’affirme sur la population russe… de plus en plus de gens savent que l’ « opération spéciale pour ramener la paix en Ukraine » est une folie meurtrière… mais il leur est impossible d’exprimer une protestation, il ne faut pas prononcer le mot « guerre »…sous peine d’emprisonnement.
Le président ukrainien Zelensky a adopté une position opposée extraordinaire : il inonde les réseaux sociaux russes avec un appel aux mères russes de soldats russes prisonniers ou tués en Ukraine. Il les invite à venir à un poste frontière ukraïno-belarus pour récupérer le corps de leur enfant, mort ou vif… L’humanité contre la barbarie.
De mon côté, je prépare des rencontre pour présenter 5Z et UPV afin de mieux faire connaître l’Histoire de l’Ukraine. On entend beaucoup de bêtises dans la bouche d’ignorants… souvent des mensonges sciemment proférés par des partis extrémistes…
L’argent de mes livres sera pour AMC.
Les Ukrainiens attendent tout de l’Europe. Ne les décevons pas. C’est une question de vie ou de mort. Ce qui leur arrive pourrait très bien nous arriver.
Je vous embrasse MF
14. Les commentaires du public ukrainien sont-ils importants pour vous?
Bien sûr ! Je vous renvoie aux retours de mes lecteurs, question 13.
Par ailleurs, j’ai ressenti une immense joie quand Duh I Litera a publié mon livre. Enfin, je pouvais manifester ma reconnaissance à l’Ukraine de m’avoir donné de merveilleux grands-parents ! J’ai aussi éprouvé une émotion plus secrète… comme si mon livre offert au public ukrainien, était le tombeau de mes grands-parents enfin revenus sur leur terre natale — ces émigrés morts en terre étrangère avant la chute de l’URSS, eux qui n’eurent jamais le bonheur de revoir leur pays bien aimé !
15. Que diriez-vous au lecteur ukrainien à la fin ? Quels sont vos souhaits ?
De ne pas avoir peur de la vérité. De garder ses valeurs. Et de toujours rester ukrainien !
Mes souhaits ?
Une Victoire de l’Ukraine, bien sûr. Ce sera une Victoire que célèbreront tous les pays démocratiques épris de justice et de liberté.
L’espoir de retourner en Ukraine. Je suis invitée par Vasyl Kmet, Président de l’Alliance Française à Lviv ; par Tetiana Katchanovska à l’université Taras Chevtchenko de Kyiv ; par Andriy Ocheretny, Vice-Maire de Vinnytsia ; par Mila Ivantsova, écrivaine et bibliothécaire à la Bibliothèque Anna Akhmatova de Kyiv ; par Fabrice Didier à l’Alliance Française de Kharkiv… et par de nombreux amis. Mais je n’oublierai pas de rendre visite à ma famille à Cynarna et à Sitkivtsi.