« C’était comme si la mer avait envahi le ciel. Des nappes d’eau froides et drues nous cinglent en rafales. La pluie ne tombe pas dans les Landes comme ailleurs : ici, les gouttes sont si lourdes qu’elles percent les parapluies, il faut les tenir à deux mains, impossible dans ces conditions de prendre des notes, mais M. Patriarche continue à parler :
— Le Docteur D. possédait des parcelles de pins et des étangs, des bordes et des granges, et le parc Redemos qui était très grand et très bien protégé avec son toit de tuiles, si vaste que des centaines de moutons y trouvaient refuge…il avait des étendues immenses de landes pour le parcours des troupeaux…il avait aussi des bordes, ces bergeries de la lande couvertes de paille ou de…

Un brouillard insidieux s’ajoute à la pluie glacée, brouillard de mots, brouillard dans mes yeux, dans mes poumons, dans mes oreilles, mes joues ruissellent de pluie, de larmes, je ferme les yeux, il me semble voir à travers la brume un bambin de deux ans qui court sur la prairie, il porte une robe longue, une robe à pois, ses cheveux brillent – cet enfant, mon père – mains tendues, de toute la vitesse de ses petites jambes, il essaie d’attraper Diane, la chienne de chasse préférée de son père…
Ma sœur me prend la main. Le Régisseur s’est tû, il nous regarde. On n’entend plus que le vacarme de la pluie.
— Il est temps de rentrer Mesdames, dit-il. Venez à la maison, ma femme vous fera une bonne tasse de thé chaud. »
Silences en forêt, p.45
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